Vous avez écrit plusieurs romans : est-ce que le texte de cette pièce était destiné d’emblée au théâtre ?
Je trouvais que ce texte devait être dit, qu’il y avait quelque chose de cathartique dans la manière dont ce personnage essaie de passer au-delà de sa colère et d’en faire quelque chose. En fait, à l’époque, j’avais décidé d’écrire le troisième volet de Molly à vélo. Cela faisait six mois que je travaillais sur ce projet, avec les mêmes tenants et aboutissants. Mais je n’arrivais pas à faire quelque chose de puissant avec le personnage de Molly, qui est assez paramétré, doux, bienveillant, jovial. Et tout d’un coup, une autre femme - qui elle, passe clairement les limites - est apparue, et il m’a semblé que c’était très jouissif à incarner sur un plateau. J’ai donc tout de suite imaginé ce texte pour le théâtre. Ce serait un monologue.

Est-ce que, dès le départ, vous aviez décidé d’interpréter vous-même ce personnage ?
Oui, j’avais envie de pouvoir dire ces mots-là. J’avais envie de donner à ce personnage, la profondeur, la complexité et aussi parfois l’ambiguïté des sentiments éprouvés.
Ce texte est un grand cri de rage et d’amour qui dérape dans un délire extravagant, vengeur, politiquement incorrect ! Une fiction jubilatoire effectivement salutaire et libératrice pour l’auteur et pour l’actrice, c’est vrai, du fait de l’exagération introduite. Bérénice, dans une victimisation à outrance, se révèle d’une cruauté inimaginable ! Mais aujourd’hui j’espère surtout que ce spectacle où j’ai essayé de faire la part belle à l’humour et à l’autodérision, saura toucher, étonner le public !

Qu’est-ce qui a changé dans votre manière d’aborder l’écriture théâtrale ?
Ce qui change, et qui a changé dans mon processus d’écriture de manière générale, c’est que je n’écris plus autant dans la caricature que je ne le faisais auparavant. J’avais un regard naïf peut-être, amusé, sur la vie, j’essayais aussi de montrer un monde idéal. Avec Molly à vélo, par exemple, c’était le cas : le monde comme j’aimerais qu’il soit. Depuis quelques années, je n’essaie plus de décrire un monde utopique, j’essaie de trouver la lumière dans le monde tel qu’il est. Je ne fais plus fi de la violence, de l’incohérence, ni de la cruauté J’essaie maintenant d’écrire au plus juste, d’être derrière chaque personnage que j’invente en étant la plus vraisemblable, même si parfois les caractères ont des logiques poussées à l’extrême. 
Du personnage de La solitude du mammouth, on aurait pu aisément faire une caricature, et si Manu Dekoninck me l’avait proposé, cela aurait été possible, mais il tenait au contraire à un jeu sincère. J’espère d’ailleurs que ce texte pourra être joué par quelqu’un d’autre que moi, comme d’autres actrices ont joué Molly à vélo et se la sont merveilleusement appropriée.

A VOIR : La solitude du mammouth du 14.01 au 14.02.2020