Ce n’est pas la première fois que tu croises Romain Gary sur les planches, quel est ton rapport au texte de La promesse de l’aube ? Pourquoi celui-ci et pas un autre ?

Ce n’est effectivement pas ma première rencontre scénique avec l’œuvre de Romain Gary puisque j’ai eu le bonheur d’interpréter Momo, enfant narrateur de La vie devant soi aux côtés de Nabil Missoumi, Benoît Van Dorslaer et Janine Godinas, ici au Théâtre Le Public, sous la direction de Michel Kacenelenbogen.
Je suis marqué par ces auteurs tels que Gary ou Camus qui ont mis dans leurs écrits toute l’humanité qu’ils essayaient également d’avoir dans leurs vies publiques et privées. Je suis marqué par leur refus du cynisme auquel je cède parfois malheureusement.
J’admire profondément cette recherche d’équilibre et d’honnêteté. J’admire cette dignité, sans même parler du talent et de l’intelligence.
Fréquenter Romain Gary fait du bien à l’esprit.
Il a eu une vie que je qualifierais d’« éreintante » tant les épreuves se sont succédées mais il l’a traversée avec un humour tendre et une rage de vivre sublime.
Il faut un certain courage pour vivre et j’aime sincèrement celles et ceux qui choisissent de sourire face à l’adversité, n’en étant vraiment pas toujours capable moi-même.
La promesse de l’aube est avant tout un superbe roman, une superbe histoire où s’enchaînent des phrases extraordinaires qui sont comme des « claques de vie ».
Un roman funambule qui oscille sur un fil tendu entre désespoir le plus total et espoir le plus lumineux.
Romain Gary conte l’amour fou d’une mère pour son fils, un amour écrasant, le refus de la défaite, l’expérience unique qu’est la vie, les milliers de batailles menées quotidiennement à la recherche du bonheur, de la survie. C’est l’art de se relever.
Puisque nous avions déjà travaillé ensemble sur Romain Gary, Michel Kacenelenbogen m’a demandé d’écrire l’adaptation de La promesse de l’aube.
C’était ma première adaptation et mon premier engagement comme metteur en scène ; j’aurais dû être effrayé mais j’avais Romain Gary, des collaborateurs très précieux comme Laurent Kaye et Renata Gorka et un acteur en phase avec ce texte, j’ai l’impression de simplement les avoir laissé faire et je suis rétrospectivement très heureux de ce choix.

Michel Kacenelenbogen t’a souvent mis en scène. Pour La promesse de l’aube, vous avez inversé les rôles. Quel est ton regard de metteur en scène sur Michel, l’acteur ? Comment s’est déroulé la collaboration ?

Michel m’a mis en scène quelques fois oui et je crois qu’il nous a semblé assez naturel de continuer à travailler ensemble, peu importe nos rôles dans le projet, acteur ou metteur en scène, c’est comme un dialogue qui continuait.
C’est une personne contradictoire, remuante, provocante et on peut dire de lui qu’il prend de la place. On l’aime ou pas pour cela mais il y a rarement de la demi-mesure autour de lui.
En tant qu’acteur, il a conservé une grande part d’enfance, il joue sur scène comme un gamin dans une plaine de jeux, avec ce qu’il est, il n’a pas peur de dire qu’il a peur, il admet se tromper quand il se trompe, il ne craint pas d’essayer et puis surtout, il est parfois terriblement émouvant de simplicité quand il raconte une histoire.
Parfois, les actrices et acteurs rencontrent un rôle qui coule plus de source que d’autres, un rôle avec lequel on sait naturellement qu’il nous correspond, peu importe la difficulté émotionnelle à le rejoindre et je crois que c’est ce qui s’est passé pour Michel sur La promesse de l’aube. Cela a rendu mon travail assez simple : assurer et parfois rassurer, pas plus et pas moins.

Pourquoi ce choix du seul en scène où Nina, la mère de Romain Gary, est complètement absente physiquement ?

Dans l’adaptation, j’ai pris l’option de raconter l’histoire du point de vue du narrateur, de ce fils sur qui les années avaient passé, ce désormais homme.
Il m’a semblé capital que Nina soit absente parce que l’histoire devait être un hommage à la disparue, une ode à ces disparus de nos vies dont on parle avec tendresse encore, même si Nina a noyé son fils sous un amour délirant et total.
J’ai essayé au mieux de la rendre encore plus présente alors qu’elle est absente.

A VOIR : La promesse de l’aube du 28.08 au 29.08.2020